Difficile à avaler : le problème de prendre trop d’antiacides
Noah Fagan dit qu’il avait « l’habitude de passer les antiacides comme des bonbons. J’avais une grande liste d’aliments que je ne pouvais pas manger. Je prenais au moins trois antiacides en moyenne – jusqu’à six dans les mauvais jours. Cela a duré pendant au moins sept ans. »
Si vous avez tendu la main vers un comprimé crayeux après un repas explosif, vous n’êtes pas seul. L’utilisation d’antiacides pour les brûlures d’estomac et les indigestions est si courante que l’Organisation mondiale de la santé affirme que plus de 10 milliards de dollars (8,2 milliards de livres sterling) sont dépensés chaque année dans le monde pour ces produits. Au Royaume-Uni, plus de 40% d’entre nous les utilisent – 2,8 millions de personnes atteignent le leader du marché, Rennie, à lui seul.
L’indigestion est souvent causée par un excès d’acide gastrique et se traduit par un inconfort, des douleurs, des ballonnements, des nausées ou des vents. En cas de reflux acide, l’acide remonte l’œsophage jusqu’à la gorge, laissant un goût désagréable et acide. Alexander Ford, professeur de gastroentérologie à l’université de Leeds, explique : « Les deux principaux groupes d’antiacides sont ceux qui contiennent un alcali qui « neutralise » l’acide, comme Rennies ; et ceux qui sont des alginates, comme Gaviscon, qui forment un « radeau » sur le contenu de l’estomac, empêchant le reflux vers l’œsophage. »
Les antiacides sont parfaitement sûrs lorsqu’ils sont pris correctement. Le problème est que beaucoup d’entre nous ne le font pas. Qui a lu les petits caractères et sait qu’il ne faut pas prendre de l’aspirine ou de l’ibuprofène en même temps que le Gaviscon, car cela peut affecter la façon dont les analgésiques sont absorbés par votre corps ? C’est important à savoir si vous prenez quotidiennement de l’aspirine pour réduire le risque d’accident vasculaire cérébral. À l’inverse, saviez-vous que certains antiacides, comme l’Alka Seltzer, contiennent de l’aspirine ? Cela pourrait être important aussi – en 2016, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a émis un avertissement selon lequel une utilisation excessive d’aspirine peut provoquer des saignements d’estomac.
Bien que les antiacides puissent soulager les symptômes en quelques minutes, une dépendance excessive à leur égard peut non seulement masquer des problèmes plus graves, mais pourrait même les créer. Fagan, un architecte de 42 ans de Bristol, raconte : « Ce n’est que lorsque ma femme était enceinte et qu’elle souffrait elle-même de reflux acide que cela a été mentionné à notre médecin généraliste. Ce n’était pas du tout un problème alimentaire, mais un problème médical. »
Fagan a été diagnostiqué avec une production d’acide hyperactive et a commencé à prendre des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), qui agissent pour réduire la production d’acide gastrique, plutôt que de simplement la neutraliser. Aujourd’hui, Fagan a rarement besoin de les prendre. Cependant, la durée du traitement peut varier énormément, ce qui est important car l’utilisation prolongée des IPP est liée à des effets secondaires tels que la pneumonie, l’hypocalcémie et les infections à Clostridium difficile (entraînant une diarrhée grave). Une étude a même établi un lien entre l’utilisation des IPP et la mort précoce. Certains IPP sont en vente libre, ce qui fait craindre que, comme les antiacides, ils soient surutilisés et insuffisamment surveillés. La FDA a émis des avertissements et le NHS note qu’une utilisation prolongée devrait être évitée.
En fait, selon une recherche américaine, la majorité des personnes souffrant de brûlures d’estomac récurrentes ne consultent pas du tout un médecin, au lieu de s’auto-traiter pendant des années. Cela peut également avoir eu un effet significatif en biaisant les données – les chercheurs notent que les femmes sont plus susceptibles de consulter un médecin que les hommes, « ce qui donne la fausse impression que le reflux non érosif et les brûlures d’estomac fonctionnelles sont principalement des troubles féminins ».
Pour tous, même les remèdes en vente libre d’apparence inoffensive doivent être utilisés avec précaution. « Pour ce qui est de les utiliser « à l’aveugle », ils traitent un symptôme et non une maladie », explique le Dr Ford. « Si une personne a subi une endoscopie et que celle-ci est normale, alors il est raisonnable de les utiliser. Chez la plupart des jeunes gens souffrant d’indigestion, il n’y aura pas de cause sous-jacente sérieuse, donc ils sont probablement OK. Mais chez les personnes plus âgées – au-delà de 50 ou 55 ans – il est à craindre que les gens les utilisent pour traiter une dyspepsie dont la cause est inconnue, car ils pourraient masquer les symptômes d’un ulcère peptique ou d’un cancer de l’estomac. Ces personnes devraient vraiment consulter leur médecin généraliste. »
Bayer, qui fabrique Rennie, déclare : « Bayer encourage les personnes qui prennent des antiacides à lire les informations fournies avec le produit. Les antiacides ne font que gérer les symptômes plutôt que de guérir un problème. Comme pour tous les antiacides disponibles sans ordonnance, si les symptômes persistent pendant plus de 14 jours d’affilée, il est conseillé de consulter un professionnel de la santé pour vérifier qu’il n’y a pas de cause sous-jacente. » Cette information est également clairement indiquée sur le paquet – si seulement nous la lisions.
Pour toutes les personnes souffrant d’indigestion, le message est cohérent : si les symptômes persistent, consultez un médecin afin d’exclure tout élément sérieux. Si tout va bien, vous pouvez alors essayer de réduire votre dépendance aux antiacides et de soulager les symptômes par d’autres moyens. Des aliments spécifiques peuvent être des déclencheurs, mais en général, il est bon d’éviter les aliments très épicés, graisseux ou gras. Manger des repas plus petits mais plus fréquents peut aider, tout comme perdre du poids si vous êtes en surpoids. Essayez de ne pas manger juste avant de vous coucher ; prévoyez une heure environ avant de vous coucher. Vous pouvez également essayer de surélever votre lit d’un côté, de sorte que lorsque vous vous allongez, votre tête et votre poitrine soient surélevées, ce qui permet à la gravité de réduire la quantité d’acide gastrique remontant vers votre œsophage. Et si vous utilisez des antiacides, lisez l’étiquette.
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