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Lorsqu’Anne Rochon Ford mentionne les dangers potentiels d’un médicament parfois utilisé pour la contraception à des groupes de femmes, elle scrute la salle et observe les visages baisser. Ce sont elles, se dit-elle, qui l’utilisent.

« Il n’est pas aussi populaire que dans les années 1990 », dit Rochon Ford. « Mais il est toujours utilisé. »

Ce produit – acétate de cyprotérone et éthinylestradiol, communément appelé Diane-35 – fait l’objet d’une surveillance intense dans de nombreux pays, dont l’Australie et le Canada. L’un de ses effets indésirables est la thromboembolie, comme la thrombose veineuse profonde, l’embolie pulmonaire, l’accident vasculaire cérébral ou l’infarctus du myocarde. Bien sûr, cela est connu depuis de nombreuses années.

Plus récemment, la France a émis une interdiction de publicité de trois mois pour Diane-35 et ses équivalents génériques après avoir examiné 25 ans de données et établi un lien entre quatre décès et le médicament. Maintenant, d’autres pays réévaluent sa sécurité et l’Agence européenne des médicaments a lancé un examen à l’échelle européenne.

Santé Canada réexamine également le médicament. « Lorsqu’un organisme de réglementation étranger prend des mesures à l’égard d’un médicament, cela entraîne un nouvel examen du médicament par Santé Canada afin de tenir compte de toute nouvelle information disponible et d’examiner l’information dans le contexte canadien en ce qui concerne l’indication et l’utilisation du médicament au Canada », écrit Judith Gadbois-St-Cyr, agente des relations avec les médias à Santé Canada, dans un courriel.

Le délai standard pour un tel examen est de 60 jours, note Mme Gadbois-St-Cyr, bien que celui-ci soit mené de « manière accélérée » et que Santé Canada « prendra les mesures appropriées au besoin une fois l’examen terminé. » Depuis 2000, le décès de 11 Canadiens âgés de 15 à 46 ans a été lié à ce médicament, selon 200 rapports d’effets indésirables de Santé Canada récemment obtenus par le Toronto Star. Ces femmes, dont huit avaient moins de 30 ans, ont connu diverses complications avant leur décès, notamment des caillots sanguins dans les jambes, des douleurs thoraciques, des saignements dans le cerveau ou des blocages dans les poumons.

Certaines jeunes femmes ont peut-être choisi Diane-35 pour la commodité du « 2 pour 1 », qui permet de s’attaquer à la fois à la contraception et à l’acné.

Image reproduite avec l’aimable autorisation de © 2013 Thinkstock

Les cas de thromboembolie veineuse chez les femmes prenant des contraceptifs oraux combinés remontent aux années 1960. Mais dans une étude portant sur environ 100 000 femmes au Royaume-Uni, on a constaté qu’elle était quatre fois plus susceptible de se produire chez celles qui prenaient le progestatif utilisé dans Diane-35, la cyprotérone, par rapport à l’alternative, le lévonorgestrel (Contraception 2002 ; 65:187-96).

Le plus gros problème de Diane-35, selon Rochon Ford, est qu’il est devenu largement utilisé pour la contraception bien qu’il ait été créé et testé pour traiter l’acné sévère. Et il est censé n’être utilisé que pendant de courtes périodes.

« Les femmes ne prennent pas de contraception pendant six mois », dit Rochon Ford. « Elles le prennent pendant des années. »

Au Canada, il n’est approuvé que pour traiter l’acné sévère chez les femmes qui ne répondent pas aux autres traitements. « Diane-35 n’est pas, et n’a jamais été, indiqué comme contraceptif oral », écrit Mme Gadbois-St-Cyr dans un courriel. « Les bénéfices de Diane-35 l’emportent actuellement sur ses risques connus lorsqu’il est utilisé selon l’indication autorisée. »

Les utilisations autorisées de Diane-35 diffèrent en Europe. Certains pays l’ont approuvé comme contraceptif pour les femmes souffrant de problèmes liés aux hormones, tels que l’alopécie ou la croissance excessive des poils du visage.

Le médicament n’est autorisé que comme traitement de l’acné en France, bien que le régulateur médical du pays, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé, ait noté une utilisation hors indication répandue comme contraceptif. Environ 325 000 femmes en France ont utilisé Diane-35 l’année dernière, selon l’agence, qui a également noté que le médicament est vendu dans plus de 116 pays.

La popularité du médicament hors indication peut avoir été le produit du marketing, de la commodité du « 2 pour 1 » pour s’attaquer à l’acné et au contrôle des naissances, d’un emballage astucieux qui ressemble aux pilules contraceptives, d’un excès de prescription par les médecins ou de l’influence des amis sur les jeunes femmes qui font leurs premiers choix en matière de contrôle des naissances.

« Vous le transportez dans votre sac à dos. Il a un nom cool. C’est devenu un truc de pression par les pairs », dit Rochon Ford.

La prescription non indiquée sur l’étiquette peut être faite de manière sûre et efficace avec certains médicaments, suggère Rochon Ford, mais c’est un exemple de cas où la pratique peut entraîner des dommages. « Cela soulève des questions sérieuses sur la façon dont certains médicaments particuliers dans des situations de prescription hors étiquette sont plus dangereux que d’autres. Ce médicament est un drapeau rouge. »

Lorsqu’il est utilisé pour traiter l’acné sévère, tel qu’approuvé par Santé Canada, Diane-35 a un « profil avantages-risques favorable », selon le fabricant du médicament, Bayer Inc. Canada. L’entreprise affirme qu’elle n’est au courant d’aucune nouvelle preuve scientifique qui l’amènerait à modifier cette évaluation.

« Bayer soutient pleinement Diane-35 », Marija Mandic, chef des communications de Bayer Inc. Canada, écrit dans un courriel.

« Chez Bayer, nous prenons la sécurité de nos produits très au sérieux et nous examinons continuellement les profils de sécurité de nos produits dans le monde entier. Bayer enquête minutieusement sur les rapports d’effets secondaires et collabore étroitement avec les autorités nationales respectives, y compris Santé Canada, conformément aux exigences légales concernant l’utilisation et le profil avantages-risques de Diane-35. »

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