Questions curieuses : Pourquoi marcher au milieu de la route est-il appelé » jaywalking » ?
L’omniprésence et l’accoutumance du smartphone font que, plus que jamais, les piétons gaffent dans la rue, inconscients du trafic qui les entoure. Mais d’où vient le nom étrange de « jaywalking » ? Martin Fone nous explique tout.
Je ne monte pas beaucoup à Londres ces jours-ci, souris de campagne que je suis, mais quand je le fais, je suis constamment étonné par le nombre de personnes qui marchent, les yeux rivés sur leurs écrans intelligents, inconscients de leur environnement. Ces « smombies » – l’abréviation plutôt laide, bien qu’utile, d’un zombie de smartphone – pratiquent une forme extrême de « jaywalking », présentant un danger pour les autres piétons et les automobilistes.
Le jaywalker classique traverserait une rue à un endroit autre qu’un point de passage pour piétons désigné. Un certain degré d’agilité et un sens aigu de l’observation étaient nécessaires pour que la carrière de « jaywalker » ne soit pas de courte durée. Dans certains pays (plus particulièrement aux États-Unis), il est illégal, ce qui vaut à son auteur une réprimande et une invitation à contribuer aux caisses civiques.
L’origine du nom est avec un visiteur occasionnel de notre jardin : Garrulus Glandarius ou, comme nous autres non-ornithologues l’appelons, le geai. Il fait connaître sa présence par un cri rauque et l’éclaboussement de couleurs lorsqu’il vole fait plaisir à voir, même si je ne suis pas sûr que les oiseaux plus petits soient aussi heureux de le voir.
Mais pourquoi le nom de cet oiseau, qui n’est pas connu pour ses prouesses ambulatoires, erratiques ou autres, est-il devenu associé au geai ?
A l’origine, tout était lié à son plumage coloré et à son chant bruyant. Être aussi » jovial qu’un geai « , à l’époque médiévale, c’était être très heureux et plein de joie. Mais au début du 16ème siècle, le mot a développé un sens plus péjoratif, étant utilisé pour décrire quelqu’un qui était un bavard impertinent ou un habilleur bruyant et tape-à-l’œil.
Les Américains ont pris l’habitude d’utiliser le geai dans un sens figuré avec un certain enthousiasme. À la fin du 19e siècle, il était utilisé pour décrire un simplet, un plouc de la campagne ou une dupe, quelque chose qui ne vaut rien ou qui est de quatrième ordre. Le Dictionary of Slang, Jargon and Cant de Barrere et Leland, datant de 1889, définit un jay comme » un terme péjoratif américain désignant une baudruche ou un simplet de pacotille.’
La première syllabe de jaywalking traduit donc le mépris du locuteur pour un simplet ou un frimeur qui, en s’égarant sur la route et en s’en écartant, ne se soucie pas de son propre bien-être ni de celui des autres.
Mais il est intéressant de noter que, dans le contexte de l’usage de la route, jay était initialement utilisé pour décrire les conducteurs plutôt que les piétons. C’est peut-être compréhensible, car conduire une voiture était une expérience relativement nouvelle pour beaucoup et les règles de la route étaient peu nombreuses. Les règles qui existaient imposaient des restrictions sur le côté de la route sur lequel ces véhicules d’un nouveau genre devaient rouler, ainsi que sur la vitesse à laquelle ils pouvaient circuler.
À l’époque du piéton, il n’y avait rien de plus ennuyeux que de devoir plonger pour se mettre à l’abri lorsqu’une voiture, une bicyclette ou un cheval, monté ou conduit à une vitesse impie, arrivait à toute allure dans leur direction. Heureusement, l’Emporia Gazette du Kansas, le 13 juillet 1911, définissait, pour l’édification de son lectorat, un conducteur de geai comme « une espèce de la race humaine qui, lorsqu’elle conduit un cheval ou une automobile, ou qu’elle fait de la bicyclette dans les rues, n’observe pas les règles de la route. Le conducteur de geai a l’habitude de conduire du mauvais côté de la route’.
Ceci, pourtant, fut le dernier hourra pour le piéton. Dès 1909, le Chicago Tribune, dans ce qui est probablement le premier usage imprimé du terme, notait que ‘les chauffeurs affirment avec une certaine amertume que leur joyriding ne ferait de mal à personne s’il n’y avait pas autant de jaywalking.’ En 1913, un journal de Fort Worth, dans l’Indiana, achève de faire volte-face en définissant un « jaywalker » comme « un prétendu être humain qui traverse la rue à d’autres endroits que les passages réguliers.’
Ce n’était pas la fin de l’histoire. Les piétons tués sous les roues d’une voiture ont suscité l’indignation et les gros titres des journaux, d’autant plus que les personnes décédées étaient de manière disproportionnée des enfants et des personnes âgées, et que dans de nombreuses villes – notamment à Cincinnati – des mouvements ont été lancés pour restreindre les voitures. Mais au début des années 1920, les efforts des constructeurs automobiles en matière de lobbying et de relations publiques ont permis de déplacer l’attention des conducteurs vers les piétons. Très vite, ce sont les piétons qui ont été jugés fautifs, comme l’explique l’universitaire et auteur Peter Norton dans son livre Fighting Traffic : The Dawn of the Motor Age in the American City.
La pratique du jaywalking n’était pas uniquement un phénomène américain, le New York Times de janvier 1937 notait que » dans de nombreuses rues comme Oxford Street, par exemple, le jaywalker déambule complaisamment au beau milieu de la chaussée comme s’il s’agissait d’un chemin de campagne. Cette seule phrase nous ramène au concept de geai comme un simplet, un plouc de la cambrousse.
Le terme » geai au volant » a sombré dans l’obscurité au fur et à mesure que la voiture prenait le dessus – il est peut-être temps de le faire revivre – mais le jaywalking est toujours bien présent.
Martin Fone est l’auteur de Cinquante questions curieuses. Son nouveau livre, » 50 arnaques et hoxes « , est sorti aujourd’hui.
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